La catastrophe de Leverkusen hier (27 Juillet) matin, m’a donné aujourd’hui l’occasion sur @BFMTV de faire un point sur les dossiers que j’ai suivis (celui de Lubrizol en particulier), suite à la catastrophe AZF. Chaque nouvelle catastrophe amène les mêmes questions, et les mêmes remises en cause.
LA COMPOSITION DES FUMES ISSUES DES EXPLOSITIONS OU DES INCENDIES D’USINES CHIMIQUES
La composition des fumées d’incendie est bien connue, et a été étudiée, publiée et référencée depuis longtemps par l’INERIS y compris s’agissant des produits pétroliers et des métaux lourds. La composition relative précise dépend des produits et de la température de combustion,
On y retrouve des composés organiques volatils COV (formaldéhyde, acroléine, butyraldéhyde…) des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dont certains sont des cancérigènes avérés, et des furanes et dioxines (dont le « TCDD » dit « Sevéso »).
On y trouve aussi :
- des polluants asphyxiants (les gaz les plus dangereux) : NO, H2S, SO2, HCN, CO, qui s’évaporent vite,
- des polluants irritants (HCl, HBr, HF, NOx, SOx, P2O5) : que l’on retrouve adsorbés sur des particules fines (PM10, 2,5 …) aglomérées sous forme de suies plus ou moins « grasses ».
- Des polluants ETM (métalliques) : de par l’activité spécifique de certaines entreprises, on retrouvera de très nombreuses traces de métaux lourds, Mercure (très volatil), Plomb et Cadmium, les trois métaux lourds visés par le protocole d’Aarhus.
LES VEHICULES DE DETECTION, IDENTIFICATION ET PRELEVEMENT EN FRANCE (LES VDIP)
A ce jour en France, il existe 5 véhicules de ce type affectés à
- Paris (LCPP+BSPP)
- Metz (SDIS 57),
- Lyon (SDIS 69)
- Nogent-le-Rotrou.
- Marseille (BMPM) et à l’UIISC
Le VDIP des marins-pompiers de Marseille est en plus des autres, habilité à faire des détections sur des navires en mer du fait de la spécificité maritime de sa base d’attache.
Ces véhicules sont équipés d’instruments (GC/MS, GC/MS/MS, IFTIR portable, diffraction rayons X, microscopie électronique, EXAFS, spectro Raman portable, spectro gamma et MS haute pression) qui permettent d’identifier et quantifier tous les polluants pour lesquels ils sont étalonnés, soit en direct, soit de manière externalisée après prélèvement.
LE PLAN GOUVERNEMENTAL APRES LUBRIZOL
Certaines mesures du plan gouvernemental après Lubrizol vont dans le bon sens; mais il reste des choses à faire. On focalise plus sur les accidents plutôt que sur la prévention.
- réorganiser les stockages de matières dangereuses, en particulier pour éviter l’effet domino par le stocage en ilots
- optimiser les obligations déclaratives des industriels pour permettre aux préfectures d’avoir des informations claires, exploitables, et validées …
- Augmenter de 50% les controles terrains (+50% ne nous ramène même pas au nombre des controles de 2005 … après AZF 2001 !)
- le Bureau d’enquête accident (BEA), une proposiion de Damien Adam, est totalement inutile. Les meilleurs controles sont ceux que l’on fait avant, pas après !
- Augmenter les informations aux populations avec un plan SMS.
QUELQUES PROPOSITIONS
Les propositions suivantes sont celles que j’ai faites à la suite de mon audition dans le cadre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, et qui a fait l’objet d’une note transmise au Sénat.
“On est passé d’une logique de respect des normes à une logique d’évaluation des risques, alors qu’en même temps on assiste à un assouplissement excessif de la règlementation au nom d’une simplification qui nuit à la sécurité des installations.”
Les accidents les moins polluants et les moins dangereux sont ceux qui ne surviennent pas. La création d’une autorité de sureté des installations à risques (comme il existe pour le nucléraire) pour éviter que les accidents ne surviennent est bien plus préventive qu’un bureau d’enquête pour déterminer les causes d’un accident qui a eu lieu comme l’a proposé inutilement Damien Adam le député de Rouen, et la multiplication des contrôles est un voeux pieux tant que le nombre de fonctionnaires affectés à ces tâches reste constant.
- augmenter les contrôles (on est passé à 13000 inspections par an après AZF à 30000 inspections en 2005, et on est retombé à 18000 actuellement). Alors que le réchauffement climatique augmente mécaniquement les risques.
- Augmenter le rayon d’inspection des ijstallations classées (actuellement 100m)
- Augmenter considérablement le nombre des inspections, ce qui suppose un gros travail de recrutement et de réaffectation des taches dédiées aux techniciens de la DREAL
- créer une agence de sureté industrielle d’inspection préalable, capable d’ester en justice en cas de constat d’anormalité
- prononcer ldes peines alourdies à l’encontre des industriels convaincus de manquement (pour mémoire, Lubrizol a été condamnée à plusieurs reprises à des amendes, la dernière à 1500€ en 2019 pour des failles dans les inspections internes, 4000€ en 2014 pour négligeances ayant entrainé une fuite de mercaptan) …
- abandonner la dérèglementation décidée en 2019
