PAS D’EVALUATIONS SVP !

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Depuis 2002, tous les fonctionnaires font l’objet d’une évaluation. Les personnels enseignants sont soumis à une notation pédagogique “réalisée par les corps d’inspection et à une note administrative annuelle proposée par le chef d’établissement”.

En résumé, ce sont les “collègues” qui évaluent leurs “collègues“. Ce systéme d’évaluation fait l’unanimité contre lui, car il n’est satisfaisant pour personne. En particulier sur les critères d’évaluation à l’ancienneté, très justement critiqués par tout le monde, comme étant pratiquement une forme de “promotion à l’usure” !

Il existe de mauvais enseignants. Osons le dire. A tout le moins peut-on affirmer que certains se sont trompés d’orientation. Statistiquement, dans les couloirs de l’éducation nationale, on sait que dans un cycle éducatif, un enfant rencontrera statistiquement 2 enseignants qui posent problème. C’est ce que l’on appelle pudiquement “l’aléa éducatif”. Dont acte.

Mais que peut on faire face à un enseignant qui pose problème ?

Rien en réalité. Le système de notation est intrinsèquement ainsi fait qu’il ne permet pas de déplacer un enseignant d’un poste opérationnel vers un poste adminstratif, lorsque l’on se rend compte qu’il ne donne pas satisfaction, ni aux élèves, ni aux parents, ni parfois même à ses collègues de l’équipe éducative.

Deux projets de décret et d’arrêté sont à l’étude, qui ont été portés à leur connaissance par un courrier de la Tutelle. Il s’agit de leur présenter une mini réforme, dont la mise en oeuvre est prévue pour la rentrée 2012.

Ces textes s’inscrivent dans le cadre du « pacte de carrière » lancé en 2009 par Luc Chatel, ministre de l’Education nationale. L’objectif, mettre en œuvre un plan global pour des enseignants « mieux valorisés, mieux rémunérés, mieux accompagnés dans leur filière », et qui puissent espérer des perspectives d’évolution plus intéressantes. La révision en profondeur de l’évaluation et du déroulement de la carrière des enseignants s’inspire du dispositif de rénovation du système d’évaluation de l’ensemble des fonctionnaires d’État, prévu par la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, et par le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 portant sur les conditions générales d’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l’État.

Comme la majorité des enseignants, et des parents, Luc Chatel considère le système d’évaluation actuel comme insatisfaisant. Il a donc fait mener une étude par la Direction générale des ressources humaines auprès des enseignants, des personnels de direction et des corps d’inspection fin mars 2011, qui le confirme.

“Les critères d’appréciation de la valeur professionnelle des enseignants doivent évoluer en même temps que leurs nouvelles missions et l’enrichissement de leurs compétences. Aujourd’hui, ceux-ci reposent essentiellement sur l’évaluation pédagogique. L’idée serait d’introduire « des critères objectifs, transparents et connus de tous » pour apprécier la valeur professionnelle des enseignants”

Réaction immédiate du corps enseignant : Préavis de grève nationale, et pétition générale.

La grève est un droit Républicain qu’il n’est pas question de remettre en cause. La méthode et les actions proposées dans certains Lycée sont en revanche purement scandaleux. Pour exemple ce Lycée  vocation internationale, dans lequel, à l’approche des conseils de classe de fin d’année, les enseignants ont annoncé par un communiqué, la nature des actions décidées. En voici les grandes lignes :

“Les enseignants du lycée de XXXX (13) ont choisi dans leur grande majorité d’opérer une grève du zèle ces prochaines semaines. En effet, un projet de décret visant à modifier en profondeur l’évaluation des enseignants est proposé par le ministère de l’Éducation Nationale. Les contours de ce décret sont totalement inacceptables. Un élément central du dispositif doit être porté à votre connaissance car il impacte sur la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves :

L’évaluation des enseignants ne relèvera plus que du seul chef d’établissement. Cela signifie que notre travail en salle de classe ne sera plus évalué à compter de 2012. Le chef d’établissement n’ayant pas les compétences nécessaires pour “évaluer” la pédagogie et nos compétences disciplinaires, le cœur du métier de professeur ne sera plus évalué. En d’autres termes l’enseignant n’aura d’autre choix que de porter toute son attention et ses efforts sur les tâches aujourd’hui secondaires, c’est-à-dire celles qui ne relèvent pas directement de l’acte d’enseignement (orientation, projet, tutorat, actes administratifs…).

Face à cette nouvelle attaque en règle contre notre profession, nous sommes contraints d’organiser une riposte à la hauteur de la violence du coup porté. La grève du zèle que nous engageons dès à présent se traduira par :
– La tenue de conseils de classe silencieux, durant lesquels les équipes pédagogiques ne formuleront pas d’avis. Les professeurs principaux ne rempliront pas l’avis global sur le bulletin (puisque cette tâche incombe normalement au chef d’établissement)
– L’annulation des épreuves communes et des bacs blancs jusqu’au retrait du décret.
– Le refus des professeurs de participer aux divers projets qui ne relèvent pas de nos obligations de service (entretiens, conférences d’orientation etc)
– Une grève est par ailleurs prévue le 15 décembre.

Si toutefois le gouvernement persiste dans cette voie à la rentrée de janvier, les professeurs du lycée envisageront une extension de la grève du zèle.”

Ca a le mérite d’être clair !

En résumé :

1- On est pas d’accord avec cette réforme : OK. Vous en avez le droit.
2- On va faire une grève du zèle qui va pénaliser les enfants, et donc nous mettre les parents à dos : OK. Comme d’hab.
3- Si le gouvernement n’a pas retiré son projet en Janvier, on fera pire !

Quel que soient nos opinions politiques à nous, parents, nous n’avons pas plus de pouvoir que nos enfants pour faire plier un gouvernement sur un projet de loi concernant les fonctionnaires de l’éducation nationale.

Le refus de “participer activement aux conseils de classe“, le refus de “participer aux projets qui ne relèvent pas des obligations de service”, et surtout pour ceux qui comme moi sont parent d’un élève qui prépare son bacho, “l’annulation des épreuves communes et des bacs blancs” jusqu’au retrait du décret, sont une forme inacceptable de chantage.

Mesdames et Messieurs les enseignants du Lycée International de XXXX (13), voici une position qui n’engage que moi.

Par la forme que vous avez décidé de donner au mouvement de grève du zèle (refus de participer activement aux conseils de classe, aux projets éducatifs, et annulation des épreuves des bacs blancs, vous faites porter le poids de vos revendications sur des parents qui n’ont pas le pouvoir de soutenir votre combat, et sur des élèves, bien innocents et impuissants face aux volontés ministérielles. C’est proprement scandaleux.

Vous avez de nombreux modes d’expression, y compris les manifestations, mais celui que vous avez choisi n’est pas digne de la mission de service public que vous dites vouloir défendre. Le Lycée de XXXX (13) n’est pas le lieu où se prennent les décisions nationales que vous contestez. Tout au plus pourriez vous être entendus au Rectorat, ou au Conseil Régional PACA.

Nous ne pouvons rien pour vous. Nos enfants non plus. Ne tentez donc pas d’en faire les outils de pression sur nous, pour essayer de nous entraîner dans votre combat. La politique ne se décide par à XXXX (13), mais dans des urnes que vous aurez loisir d’utiliser en Mai prochain, dans un sens qu’on imagine aisément. A ce sujet, je parle de la Hollande un peu plus loin dans ce billet.

Ca n’est pas l’élu qui vous parle, mais le parent d’élève. Ma fonction de délégué et d’adminstrateur du Lycée ne me positionne pas en tant que décideur politique, mais uniquement en tant que parent. Le Lycée n’est pas le lieu de cristallisation de vos revendications. Pas plus que ne le sont les Conseils d’Administration à l’occasion desquels une partie importante de vos interventions se concentre sur vos revendications catégorielles.

Le Lycée est un lieu neutre, sanctuaire de l’enseignement des valeurs de la République : Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité. Il n’est pas le théâtre d’affrontements de dogmes politiques. Il y a des lieux pour cela. Militez dans un parti, un syndicat, soyez élus, venez débattre, nous vous invitons volontiers sur ces terrains là. Mais ne pénalisez pas nos enfants.

Le Conseil d’Administration n’est pas non plus le lieu pour exprimer votre rejet de la politique actuelle. C’est un espace de débat où l’on prend les décisions pour faciliter le bon fonctionnement quotidien, opérationnel et financier, du Lycée. Rien de plus. Vos prises de parole sont abusives, et monopolisent une grande partie de CA que nous ne pouvons plus utiliser ensuite à réfléchir au fonctionnement quotidien du Lycée. Sachez l’entendre.

Enfin, à titre personnel, je suis très favorable à cette réforme, et je considère même qu’elle ne va pas assez loin. Au Pays Bas par exemple, les procédures d’évaluation intègrent pour une partie non négligeable l’opinion de élèves et des parents. De manière très surprenante, ce sont les enseignants qui, les premiers, défendent ce système, car ils considèrent que c’est le plus efficace pour leur permettre de se remettre en question, d’évaluer l’impact de leurs méthodes sur les élèves.

Ce serait bien un comble, qu’après les magistrats, et les médecins, le corps enseignant refuse la remise en cause. Les fautes professionnelles des premiers conduisent aux erreurs judiciaires, celles des seconds aux erreurs médicales, pourquoi ne pourrait-on pas admettre le concept “d’erreur éducative” ?


Frédéric POITOU

Pour en savoir plus :

Le Café Pédagogique : Excellente mise au point sur le sujet

Vers un cadre pour l’évaluation de la compétence d’enseignant : Une excellente mise au point d’Erik Roelofs rappelant le modèle Neerlandais.

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Frédéric Poitou est né à Rouen, et y a fait des études au Conservatoire en musique-études en section piano. Il s'est ensuite orienté vers des études scientifiques où il a obtenu un diplôme d'ingénieur, puis un doctorat en Chimie. Il est Expert Judiciaire en France, en Belgique et à Luxembourg, et agrée par les Institutions Européennes.

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