ELÉVATION DU NIVEAU DE LA MER : VOUS NE POURREZ PAS DIRE À VOS ENFANTS QUE VOUS NE SAVIEZ PAS

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Elévation du niveau de la mer : Il vous sera difficile de dire à vos enfants que vous ne saviez pas !

Préambule

Ce travail est la première partie d’un ensemble de trois documents qui tentent de résumer de manière concrète et facile d’accès les conséquences du réchauffement climatique :

  • sur le continent qui en sera probablement le premier et le plus touché : l’Afrique
  • en Europe
  • Le cas particulier de la Camargue (et plus largement de l’Arc Méditerranéen) qui pourrait être la première région de France à devoir gérer le problème des réfugiés climatiques.

Il résume l’ensemble des conséquences bien identifiées de l’élévation du niveau de la mer liée au réchauffement climatique et a été présenté dans un atelier en marge de la COP21 qui réunissait des scientifiques et spécialistes de climatologie de l’Arc méditerranéen, de Belgique et des Pays-Bas.

 

I. Introduction

Avant la dernière glaciation, le niveau de la mer était approximativement 120m plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui. Depuis cette date, on sait par des mesures précises, et incontestées que le niveau de la mer avait peu bougé (moins de 0,1mm / an globalement).

Depuis la fin du XIXe, cette vitesse est passée à 2mm / an soit 20 fois plus ce qui a conduit à une augmentation globale de 20cm au XXe siècle.

Depuis les années 1990, les satellites altimétriques ont permis de mesurer de manière très précise cette augmentation qui est passée à 3mm par an, de manière curieusement non uniforme sur l’ensemble du globe. Cette élévation s’accompagne de deux types de changements :

  • changement de volume des océans du fait de la variation de la température,
  • changement de la composition des océans (en raison des échanges eau douce – eau salée, et de la modification des équilibres évaporation – précipitation).

La montée des eaux n’est pas uniquement liée à la fonte des glaces, mais aussi à la dilatation (l’augmentation de volume global de l’eau des océans) liée à l’élévation de la température.

Une récente étude de la Nasa, tend à valider l’hypothèse d’un réchauffement climatique qui entraînerait une montée des eaux d’un mètre d’ici la fin du siècle. Même si cette valeur semble contestée par certains scientifiques sur sa proportion, le phénomène, ses causes et ses conséquences ne peuvent plus être niées sur le fond. Ils sont de nature :

– climatique

  • atmosphérique

– écologique et de biodiversité

  • géo-politique
  • de santé publique

L’objet de cette rapide note de synthèse, est de traiter dans un premier temps des conséquences générales, puis de la situation mondiale et de se concentrer ensuite sur les conséquences en France métropolitaine puis en Camargue qui pourrait bien être une des premières zones en Europe à voir apparaitre des réfugiés climatiques.

Enfin, nous aborderons les différentes conséquences de ce phénomène, avec une conclusion optimiste, car l’humaniste que je suis fais confiance à la capacité qu’a l’homme de se transcender à l’approche du danger. Mais le danger est désormais là, et la COP 21 devra nous permettre de tracer des chemins pour jalonner de mesures opérationnelles et dogmatiques le chemin de nos enfants et nos petits enfants. Une remarque toutefois : Quel dommage que l’Océan n’ait pas été convié à la COP 21. Aucune table ronde, aucune thématique, alors qu’il représente 70% de la surface du globe, absorbe 25% du gaz carbonique, et compense par échange thermique 90% de l’effet du réchauffement climatique !

Les trois rapports de références que nous avons utilisés pour rédiger ce document sont :

  • le 5e rapport du GIEC, 2015

Le GIEC est le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, créé en 1988 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE).

  • le rapport 2011, les deux rapports 2012 et le rapport 2014 de l’ONERC

Créé par la loi du 19 février 2001, l’ONERC matérialise la volonté du Parlement et du Gouvernement de prendre en compte les questions liées aux effets du changement climatique. L’ONERC est rattaché depuis 2008 à la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) du Ministère de développement durable, et a pour mission de collecter et diffuser les études et recherches sur les risques liés au réchauffement climatique et aux phénomènes climatiques extrêmes.

  • le rapport 2006 de la Mission interministérielle de l’effet de serre (DGEC) du Ministère de développement durable

Et une abondante bibliographie dont les références sont reprises en Annexes.

II Conséquences du réchauffement climatique, et de l’élévation du niveau des océans et des mers

Il est encore difficile d’évaluer les conséquences tant qualitatives que quantitatives qu’auront les changements climatiques sur le climat.

Mais on sait que ces changements se manifesteront par une élévation du niveau moyen de la mer et une probabilité d’épisodes climatiques de plus grandes amplitudes avec des cycles inondations / sécheresses plus rapprochés. Ces écarts seront supérieurs à tout ce qui a pu se produire depuis plus de deux millions d’années, et comparables en écart aux variations de températures qui nous séparent d’une période glaciaire (5 à 6°C).

Sans dramatiser, ou agiter des épouvantails, on sait que les conséquences des modifications des différents systèmes (climatiques, écologiques, socio-économiques et géo-politiques) seront irréversibles, et dépasseront la capacité d’adaptation des systèmes naturels et humains avec, une fois encore, des conséquences supérieures pour les populations des pays en voie de développement en raison de leur manque de moyens.

Mais tout pas perdu !

La planète a déjà survécu à la période du crétacé supérieur (80 millions d’années) qui fut la période la plus chaude de l’histoire de la Terre avec environ 6°C de plus qu’aujourd’hui.

“Les changements climatiques prévus auront des effets bénéfiques et néfastes sur les systèmes environnementaux et socio-économiques, mais plus l’ampleur et le rythme de ces changements seront important, plus les effets néfastes prédomineront.” (GIEC, 2001)

Voici les variables qui seront impactées par le réchauffement climatique.

– Les températures et les saisons

D’une façon générale, les écarts thermiques entre les saisons et les continents seront moins marqués, l’élévation de température sera plus forte aux pôles qu’à l’équateur, le régime hydrologique sera modifié par l’accélération du cycle évaporation-précipitation.

Les deux principales conséquences attendues sont un déplacement vers les pôles des zones climatiques tropicales (d’environ 100 km par degré d’élévation de température) et l’accentuation de la dynamique et des contrastes climatiques (A. Nicolas, 06/2004).

– Les précipitations

Les précipitations seront plus importantes aux latitudes élevées et plus faibles dans la plupart des régions émergées subtropicales. La qualité des eaux douces devrait en être altérée.

– Les courants marins

Le réchauffement global pourrait affaiblir le Gulf Stream, induisant un refroidissement important sur l’Europe du Nord et la côte est des Etats-Unis.

Les glaciers

– en montagne

Les glaciers de montagne pourraient avoir tous disparu d’ici 50 à 100 ans entraînant des pénuries d’eau pour des millions de personnes qui en sont dépendantes.

– en mer

La superficie et l’épaisseur de la glace marine diminueront du fait de la fonte de la banquise arctique en affectant le rapport eau salée / eau douce dont la conséquence est un réchauffement de l’hémisphère nord.

nb : On voit d’ailleurs bien ici qu’il est difficile de prédire la réalité du simple fait des effets antagonistes des variables qu’on tente d’extrapoler. Dans certains cas on considère que l’hémisphère nord se réchauffe, de l’autre la modification du gulf stream pourrait produire l’effet inverse.

– le permafrost

Le permafrost devrait continuer de fondre puis disparaitre dans un siècle, générant des glissements de terrain qui affecteront les cours d’eau et les écosystèmes des zones humides.

– Les océans

Leur niveau

L’élévation du niveau des mers pourrait atteindre un mètre, de manière irréversible à moyen terme avec comme conséquence l’érosion des littoraux, l’augmentation des effets dévastateurs des tempêtes, et la salinisation rendant incultes les zones littorales.

Un réchauffement de 4°C supplémentaires est attendu en Arctique dans les cent prochaines années avec des répercussions planètaires : inondations des zones côtières, hausse du niveau des océans, modification des trajets de migration, ralentissement des échanges océaniques… (ACIA, 11/2004).

acidification

Depuis le début de l’ère industrielle, les océans ont agis comme régulateurs, en absorbant la moitié des émissions anthropiques de CO2, mais cette action contribue chimiquement à une augmentation de leur acidité qui était resté stable entre le Xe et le XIXe siècle alors qu’il a déjà baissé de 0,1 unité de pH depuis la révolution industrielle, avec une projection à -0,3 d’ici la fin du siècle. Les conséquences de cette projection sont très importantes pour la préservations de certaines espèces marines fragiles : «les océans sont plus acides que “depuis des millions et millions d’années“… (Courrier International, 10/2006).

Les risques naturels

La fréquence, l’intensité et la durée des phénomènes extrêmes seront notablement accentuées sans que l’on sache encore bien comment l’évaluer objectivement. Les phénomènes de la Nouvelle Orléans ou la tempête Xynthia en sont les premières illustrations concrètes visibles.

– La couche d’ozone

L’effet de serre favorise le refroidissement de la stratosphère ce qui augmente la cinétique de destruction de la couche d’ozone. On sait de manière précise dans ce cas que les populations des régions arctiques recevront à la fin du siècle une dose d’UV 30% supérieure (ACIA, 11/2004).

La biodiversité

Des mouvements migratoires de milliers d’espèces sont déjà objectivement enregistrés sur tous les continents depuis une cinquantaine d’année. Ainsi, trente neuf espèces de papillons européens et nord-américains ont progressé jusqu’à 200 km vers le nord en 23 ans (Science & Vie, 2003). Les conséquences seront :

  • les modifications des cycles de vie,
  • l’accroissement du risque d’extinction des espèces les plus vulnérables, d
  • déplacement des aires de réparttiion et réorganisation des interactions entre les espèces (fragmentation, compétition).

On considère qu’un réchauffement de 1°C se traduit par un déplacement vers le nord de 180 km (et de 150 m en altitude), en moyenne, des aires de répartition des espèces (Science & Vie, 2003).

– Les secteurs économiques

Tous les secteurs socio-économiques vont subir les contraintes imposées aux monde économique et social allant d’une modification des pratiques de construction à une adaptation des systèmes de soins de santé (liés aux conséquences sur la santé publique des modifications climatiques en terme d’exposition aux UV, ou déplacements de population) et à des changements des de subsistance reposant sur les acquis traditionnels.

– Le secteur financier

Les analystes de l’ONU considèrent que les aléas climatiques ont désormais une influence directe sur 30 % à 70 % du PIB mondial.

Sur la base des chiffrages des coûts des cyclones Mitch (1998) et Katrina (2005) qui avaient menacé de faillite le secteur de l’assurance, les experts de l’ONUDI ont évalué les dépenses que vont engendrer les conséquences autours de 300 milliards d’Euros par an avant la fin du siècle. Les premiers secteurs touchés seraient alors ceux de l’assurance, avec une augmentation notable, des primes annuelles concernant une très grande partie de la population mondiale.

– L’agriculture

Les études de rendements agricoles menées dans plusieurs régions du mondent que, contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, le différentiel «avantages inconvénients» sera plutôt négatif, principalement pour les cultures céréalières dont les rendements seront fortement affectés, surtout si l’augmentation de la température est supérieure à 2°C. Seules quelques régions pourront se diversifier en développant de nouvelles cultures du fait de l’adoucissement du climat.

– la santé

Sur la santé humaine : les conséquences seront de toute manière largement négatives. :

  • directes (stress thermiques et phénomènes extrêmes, exposition aux UV du fait de la diminution de la couche d’ozone …),
  • indirectes (augmentation de certains pollens, moisissures, polluants atmosphériques, malnutrition, contamination de l’eau, surcharge du système de santé).

Plusieurs maladies majeures comme la malaria (1 milliard de personnes infectées), la dengue et la leishmaniose dépendent de la hausse des températures.

III. Les réfugiés climatiques et leurs conséquences géopolitiques

Enfin, et c’est peut être la conséquence qui sensibilisera le plus les populations, car elle est sans commune mesure avec les migrations de réfugiés politiques venant de Syrie que nous vivons actuellement.

Les scientifiques prédisent  une augmentation de plus  de 50% des conflits inter-ethniques dans les points les plus tendus de la planète d’ici 2050, si l’évolution du réchauffement climatique est conforme aux modèles. Bien que ce chiffre soit évidemment difficile à objectiver, il est basé sur une extrapolation d’un phénomène qui existe en effet déjà et dont on observe la progression. L’ONU, l’ONUDI et l’association britannique « Christian Aid » évaluent à 160 millions le nombre des réfugiés ayant déjà du émigrer pour raison climatique. On les appelle réfugiés écologiques, environnementaux et climatiques, dits aussi écoréfugiés.

Il risque alors de ce poser le problème de leur statut, comme se pose celui des réfugiés politiques, ou des réfugiés de guerre. Ce sont en effet au moins un milliard de personnes qui devraient migrer de par le monde pour des raisons environnementales d’ici 2050 (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, chasseurs-cueilleurs …) à cause de la dégradation de leur environnement devenu inadapté à la vie humaine (désertification, érosion, baisse des nappes phréatiques, salinisation, déforestation …). Il sera alors inutile d’adopter des positions de repli sociétal ou de gesticulations médiatiques face à la puissance des flux d’affamés, comme il est impossible de résister à celui des réfugiés politiques contraints à l’exil, auquel on assiste sans pouvoir les contrôler depuis quelques mois. Ce n’est qu’une illustration à toute petite échelle de ce qui nous attend.

Le terme de réfugié est actuellement défini par la Convention de Genève de 1951 et ne concerne que les victimes de violation des droits de l’homme, de violences politiques ou de ségrégations de natures ethniques ou religieuses, toutes catégories liées à l’appartenance d’une nationalité. C’est un classement auquel il faudra nécessairement ajouter celui de réfugié climatique permettant de trouver asile dans un pays qui ne soit pas touché par le phénomène mondial. Il est absolument inutile de tenter de résister à ce phénomène. Dès lors qu’il est mondial, et n’affecte pas un pays particulièrement, contre un autre pour raison politique, mais des réfugiés issus de tous les pays touchés par le phénomène migrant vers les autres pays du monde qui n’en ont pas, mais avec lesquelles il existe des relations diplomatiques, le phénomène sera totalement incontrôlable. Et d’une certaine manière, l’inversion du phénomène de colonisation des siècles derniers.

A ce jour, le seul pays a avoir abordé le problème est la Belgique, où Philippe Mahoux a déposé au Sénat en 2006 une Proposition de résolution visant à la reconnaissance dans les conventions internationales du statut de réfugié environnemental.

D’autant que d’une certaine manière, nous en sommes les responsables. La grande majorité des écoréfugiés seront issus du tiers monde, et des pays pauvres qui ne sont pas à l’origine des dérèglements climatiques à l’inverse des pays riches (toutes les études qui convergent sur un impact à hauteur de 4% !). C’est le sens des propos introductifs à la COP21 qui ont été tenus par de Ban Ki-Moon, mais aussi François Hollande et Barack Obama.

IV. CONCLUSION

La NASA envisage une montée des océans d’au moins un mètre dans les 100 à 200 ans :  Selon Steve Nerem qui dirige l’équipe de la NASA en charge de surveiller le niveau des mers : «Au vu de ce que l’on sait aujourd’hui …/…  avec le réchauffement, …/… il est pratiquement certain que nous aurons une augmentation du niveau des mers d’au moins un mètre, et probablement davantage».

Les spécialistes français pondèrent un peu cette évaluation, sans vraiment la remettre en cause, mais on considère en général qu’en dessous d’un mètre d’élévation, on peut gérer les conséquences, au dessus ça devient difficile. Les plus alarmistes sont les glaciologues spécialistes du Groenland et de l’Antarctique qui considèrent le phénomène comme beaucoup plus rapide que ce que nous avions anticipé : le scénario d’un mètre en 2100 et deux mètres en 2200 est donc tout à fait possible.

Si l’on tient compte du fait que 16 des 20 mégalopoles mondiales sont situées dans des zones littorales où l’élévation du niveau de la mer pourrait être d’un mètre avant la fin du siècle, on peut mesurer l’ampleur des conséquences, et l’adaptation dont vont devoir faire preuve ces zones qui sont déjà des milieux urbains très denses.

Avec des conséquences climatiques, atmosphérique, en terme d’écologie et de biodiversité, géo-politiques ou de de santé publique, l’élévation du niveau de la mer dont nous ne prenons vraiment conscience que depuis très peu de temps avec des dégâts déjà irréversibles, est une donnée fondamentale d’un futur désormais très proche.

Cette COP21 s’ouvre donc avec un devoir de résultat et de moyen à mettre en oeuvre étayés non plus par des principes philosophiques et existentiels tels que les définissait René Dumont lorsqu’il publiait « l’Utopie ou la mort » ou levait son dernier verre d’eau pure lors des présidentielles de 1973 auxquelles il s’était présenté, mais sur des chiffres, des projections des réalités et des conséquences désormais visibles au quotidien.

Gageons que, bien que l’Océan (70% de la surface du globe pour 25% de l’absorption du CO2 rejeté par l’homme et 80% de compensation de l’élévation de la température moyenne du globe)  n’ait pas été vraiment invité à la COP21, les participants auront à Paris en 2015 la sagesse qu’il n’ont pas eu à Copenhague en 2009.

Suivre Frédéric Poitou:

Frédéric Poitou est né à Rouen, et y a fait des études au Conservatoire en musique-études en section piano. Il s'est ensuite orienté vers des études scientifiques où il a obtenu un diplôme d'ingénieur, puis un doctorat en Chimie. Il est Expert Judiciaire en France, en Belgique et à Luxembourg, et agrée par les Institutions Européennes.

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